du 31 janvier au 4 février 2024
Le volcan Teide depuis la Montaña Sámara
L'île de Tenerife, qui fait partie de l'archipel espagnol des Canaries, est située à la même latitude que le sud du Maroc. C'est une terre de contrastes dominée par le mont Teide, un volcan en sommeil qui culmine à 3715 mètres. La partie nord de l'ile, exposée aux vents alizés, bloque les nuages qui se heurtent aux versants des montagnes. L'eau qu'elle déverse et l'humidité qu'elle fournit bénéficient à la végétation et à la flore de ces régions. Inversement, les sommets protègent le sud de l'île de l'action de ces nuages, garantissant ainsi un climat estival durant toute l'année, en particulier dans les zones côtières.
Tenerife est la plus visitée des îles des Canaries. Tout au long de l'année, et singulièrement pendant la saison hivernale, les vacanciers viennent en nombre profiter du soleil et des températures clémentes. L'impact de ce tourisme de masse est surtout visible sur le littoral sud avec des hôtels club à perte de vue, pris d'assaut par les touristes du nord de l'Europe à la recherche d'un soleil bon marché avec des formules "all inclusive". Mais réduire Tenerife à une simple destination balnéaire serait faire injure à ses richesses. La traversée de l'île du nord au sud offre des paysages de montagne extraordinaires à travers d'immenses forêts de pins ou d'étendues volcaniques. Trois sites naturels illustrent parfaitement cette diversité : le parc national du Teide au cœur de l’île, où s’étendent des paysages lunaires de roches et de laves ; le parc rural de l’Anaga à la pointe nord-est, couvert d’une épaisse végétation, qui offre des panoramas grandioses sur l’océan ; et le parc rural de Teno, à la pointe nord-ouest, sauvage et escarpé.
Carte de Tenerife
Les Canaries abritent de nombreuses espèces végétales endémiques et bien adaptées à la diversité des climats. Bien qu'elle ne soit pas connue pour abriter un grand nombre d'espèces d'orchidées (8 au total), Tenerife est fréquemment visitée par les amateurs qui viennent chercher trois espèces que l'on ne trouve pratiquement qu'ici.
Observer ces 3 espèces endémiques dans de bonnes conditions nécessite de séjourner entre mi-janvier et mi-février. On peut ainsi voir les dernières Habenaria tridactylites qui ont entamé leur floraison dès le mois de novembre, profiter des Himantoglossum metlesicsianum dont le pic de floraison se situe vers fin janvier, et apercevoir les premières Orchis canariensis dont les floraisons s'étalent jusqu'au mois d'avril.
Notre séjour positionné début février nous a permis de remplir les 2 premiers objectifs mais pas le dernier.
La plaine de Lliano de Ucanca
Avec un sommet pointé à 3715 m d'altitude, le Teide est le point culminant de toute l'Espagne mais aussi le volcan le plus haut d'Europe. Sa dernière éruption date de 1909 et aujourd'hui son activité semble des plus calmes. Au pied de ce mont se trouve une étendue de roches volcaniques qui forment un remarquable panorama de couleurs et de formes.
Las Cañadas au pied du Mont Teide forme un ensemble de roches volcaniques aux teintes variées
La capacité d'adaptation de la flore de l'île est omniprésente. Les pinèdes, qui furent rasées lors de chaque éruption volcanique, développèrent une stupéfiante capacité de régénération : la résistance contre le feu grâce à l'écorce très épaisse et très riche en sève de leur tronc. C'est pour cette raison que le pin canarien (Pinus canariensis) survit aux incendies qui se produisent sur les monts de Tenerife. Seules leurs couches extérieures sont brûlées, ce qui favorise leur récupération complète en quelques années. Le pin canarien possède une autre qualité remarquable : lorsqu'il est traversé par la brume très habituelle dans l'île, il agit comme un récepteur d'eau par le biais de ses longues aiguilles. Le parc de la Corona Forestal, qui entoure Las Cañadas del Teide, ou la Montaña de la Cruz de Tea sont de beaux exemples de pinède peuplée de cette espèce singulière.
Montaña de la Cruz de Tea
Comme dans toute l'île, le parc du Teide est parcouru de nombreux sentiers très bien aménagés
Sur Tenerife, Himantoglossum metlesicsianum n'est signalé que de la région de Santiago del Teide, sur les flancs inférieurs du mont Teide. C'est une espèce menacée dont la taille totale de la population était estimée entre 4000 et 1600 individus en 2015. Aujourd'hui, ses effectifs ont certainement encore diminué malgré son statut de plante protégée (IUCN liste rouge catégorie EN).
Cette grande orchidée ressemble beaucoup à nos Himantoglossum robertianum que l'on trouve sur le littoral méditerranéen au début du printemps. Elle s'en distingue par quelques particularités qui sont le fruit de son adaptation à l'environnement hostile de ces îles volcaniques. Elle trouve refuge dans les champs de lave érodée, entre 800 et 1300 m, là où une fine couche de terre s'est accumulée en quantité suffisante pour soutenir la végétation. Dans ces conditions particulièrement difficiles, les plantes recherchent la protection d'un couvert végétal ou d'un muret en pierres pour bénéficier d'un peu d'ombre et d'humidité dans un secteur où les précipitations sont très faibles.
Nous avons pu l'observer non loin de la route TF-38 qui relie Chio au plateau de Boca Tauce, à proximité d'arbustes qui offrent un peu d'ombre et de fraicheur. Hormis ce secteur au sud-ouest du Teide, quelques stations ont été signalées plus au nord dans les zones défrichées des forêts de pins et dans les cultures semi-abandonnées.
Himantoglossum metlesicsianum
Habenaria tridactylites est sans aucun doute la plus répandue des orchidées endémiques des Canaries. Elle est répartie sur l’ensemble des îles de l’archipel sauf à Fuerteventura. À Tenerife, elle est surtout distribuée au nord de l'île, à des altitudes relativement élevées et dans les zones où le climat est influencé par les alizés qui fournissent une humidité constante. Son nom, qui signifie littéralement « avec trois doigts » fait référence aux trois lobes longs et étroits du labelle. L'espèce, qui a été décrite pour la première fois en 1835, est le seul représentant européen du genre Habenaria. Ce genre a une répartition tropicale étendue d'environ 600 espèces et cette population de H. tridactylites est considérée comme le dernier vestige d'une présence autrefois beaucoup plus importante dans la zone de l'Atlantique Nord.
Nous l'avons croisée à de multiples reprises mais hélas toujours défraichie. Sa période de floraison (mi-novembre à janvier) est l'une des plus précoces et il nous a fallu la rechercher dans les endroits les plus frais pour espérer voir quelques fleurons encore présentables.
Habenaria tridactylites
Orchis canariensis a prospéré sur les décombres de laves acides et plus stabilisés sur les flancs inférieurs du mont Teide et dans des environnements similaires sur d'autres îles. Elle est présente à des altitudes allant jusqu'à environ 1500 mètres, descend rarement à des niveaux inférieurs à 750 mètres et n'est commune nulle part dans son aire de répartition. Elle est assez proche d’Orchis patens dont elle est parfois considérée comme une sous-espèce. Elle a des préférences climatiques similaires à celles d'Habenaria tridactylites mais est plus rare, bien qu'elle puisse être localement relativement abondante. Sa période de floraison plus tardive ne nous a malheureusement pas permis de l'observer sur Tenerife, malgré nos recherches dans la région de Masca.
A la recherche d'Orchis canariensis dans les zones escarpées au-dessus de Masca
La dernière espèce d'orchidée que nous avons observée est Gennaria diphylla. Cette espèce a été décrite pour la première fois à Setubal, au Portugal, en 1800 et son nom signifie littéralement deux feuilles. C'est le seul représentant du genre Gennaria, avec une aire de répartition restreinte en Méditerranée occidentale, à Madère et aux îles Canaries. Il s'agit d'une orchidée un peu terne et peu imposante, rare partout et particulièrement dans l'est de son aire de répartition, où elle est encore présente avec parcimonie dans les habitats côtiers de Corse et de Sardaigne. Sur Tenerife, Gennaria diphylla est en pleine floraison en février. Assez fréquente dans les forêts de laurier, on peut l'observer en abondance dans les sous-bois dans l'Anaga. C'est une plante qui recherche l'ombre des bois à feuilles persistantes et des fourrés arbustifs, mais qui s'adapte également aux zones rocheuses ombragées comme les fissures des champs de lave stabilisés.
Gennaria diphylla
Les quatre autres espèces d'orchidées que l'on peut observer à Tenerife sont plus communes et aussi plus tardives. Il s'agit d'Orchis mascula, Serapias parviflora (parfois décrit au rang de sous-espèce : Serapias parviflora subsp. mascaensis), Neotinea maculata et Ophrys bombyliflora.
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